L’un des trois prétendants au Marketing Leader(ship) of the Year Award est Nicolas Lambert, ancien CEO de Fairtrade Belgium et auteur du livre « Le marketing peut-il sauver le monde ? ». Cette nomination le réjouit surtout parce qu’elle pourra attirer davantage l’attention sur la nécessité de la transition durable. Un état d’esprit qui en dit long sur la sincérité de ses motivations.
« Nous ne pouvons pas laisser l’avenir de notre société dépendre des tendances qui vont et viennent ou des sautes d’humeur des consommateurs. Je préconise de tenir compte du développement durable dans toutes les décisions que nous devons prendre en tant que marketers. » Dire que la durabilité lui tient à cœur est un euphémisme ; c’est le fil conducteur de tout ce qu’il entreprend. Ainsi, après avoir été directeur marketing (Unilever, AB InBev, Alken-Maes) et directeur stratégique (Darwin BBDO), il est devenu CEO de Fairtrade Belgium et dirige depuis près de trois ans le think tank de BAM dédié au développement durable. Il est également l’auteur du livre « Le marketing peut-il sauver le monde ? » et ne manque jamais d’aborder cette thématique dans ses cours de marketing.
« Les six belles années que j’ai passées chez Fairtrade Belgium m’ont permis de me plonger dans le monde fascinant du développement durable », se souvient Nicolas Lambert. « Depuis lors, je m’efforce de jeter des ponts entre l’ESG et le marketing. » Avec succès, comme en témoigne sa nomination pour le Marketing Leader(ship) of the Year Award.
Sentiment d’urgence
« Depuis mes études, je suis fasciné par l’impact positif que les entreprises peuvent avoir sur la société, au-delà de la vente de produits et de la réalisation de bénéfices. L’intérêt était donc déjà présent, mais a été fortement stimulé par ma période chez Fairtrade. En effet, lorsqu’on visite une ferme africaine, les effets du changement climatique deviennent très tangibles. J’ai été submergé par un sentiment d’urgence : c’est maintenant que nous devons ajuster notre modèle économique ! En tant que spécialiste du marketing, j’ai tout naturellement commencé à réfléchir au rôle que nous pouvions jouer dans ce domaine. «
Tuanis helps organisations answering strategic questions at the crossroads of marketing, business and societal purpose. Voilà comment la société de conseil de Nicolas résume sa mission. L’accent mis sur le concept de purpose ou raison d’être n’a rien de surprenant, même s’il n’est pas synonyme de durabilité. « La raison d’être d’une marque ne doit pas nécessairement inclure toutes les composantes du développement durable au niveau de l’entreprise. Dove, par exemple, poursuit un objectif louable de positivité corporelle, mais ne dit rien sur l’empreinte carbone de la marque. Inversement, une entreprise très durable ne se traduit pas automatiquement par une stratégie de marque explicitement axée sur un purpose. Les deux facettes peuvent jouer de concert et se renforcer mutuellement, mais ne signifient pas la même chose. »
Veiller à l’équilibre entre le court et le long terme
Ce n’est évidemment pas un hasard si les services de Tuanis ne se limitent pas au marketing, mais touchent l’ensemble du « business ». Le changement durable que Nicolas Lambert espère stimuler dans le monde des affaires englobe tous les échelons de l’entreprise : « Il s’agit en fait de l’ADN de la marque, de la pérennisation de l’organisation et de ses activités. On peut également traduire ces accents dans le positionnement de la marque, mais ce n’est pas absolument nécessaire. En réalité, c’est même souvent une mauvaise stratégie. »
Il n’en reste pas moins que les spécialistes du marketing peuvent (et doivent) jouer un rôle dans cette histoire, et ce à plusieurs niveaux. « Le marketing doit veiller à l’équilibre entre le court terme et le long terme », insiste Nicolas, donnant ainsi une première consigne claire à ses confrères. « Dans un contexte difficile où les pressions sont multiples, nous sommes coresponsables de ce que fait notre entreprise aujourd’hui et de la manière dont elle envisage l’avenir. Cela concerne l’évolution des besoins des clients, mais aussi de la société dans son ensemble. Parce qu’on ne peut pas faire d’affaires sur une planète morte… »
Collaboration
Une deuxième consigne est de convertir la durabilité en une aspiration commune de la marque et du consommateur. Ce n’est pas forcément le cas (« ce n’est pas le client qui a incité Lidl à n’utiliser que du cacao issu du commerce équitable, cette décision découle d’un engagement intrinsèque »), mais lorsqu’une marque cherche à modifier les comportements du public, les marketers sont bien sûr très importants. « Pour encourager cette implication, une bonne dose d’orientation client est nécessaire. »
Cette approche centrée sur le client nécessite avant tout de l’empathie, mot d’ordre qui revient le plus souvent dans les conseils de Nicolas aux marques : « Si vous voulez vraiment toucher les gens et les influencer positivement, vous devez être capable de vous mettre à leur place. La communication marketing doit se baser sur leurs préoccupations, aspirations et valeurs. » Toutefois, la pratique montre qu’il reste beaucoup à faire dans ce domaine. « Trop souvent, les entreprises imposent leur vision au client. »
Pas de développement durable sans collaboration. Collaboration avec les clients, mais aussi entre les entreprises et certainement en leur sein. « Pour transformer fondamentalement notre cadre économique en une version circulaire ou régénérative, tous les services– marketing, ventes, R&D, finance… – doivent ramer dans la même direction. La transition requise comporte de nombreuses couches et nécessite des valeurs et des efforts partagés. » En bref, la réponse à la question du titre de son livre est « Oui, mais pas seulement ».
Confiance, authenticité et leadership
Dans le marketing, l’empathie est loin d’être le seul mot clé. « La transparence et l’honnêteté sont également essentielles », note Nicolas. « Ce n’est qu’en travaillant sur ces points qu’il sera possible d’endiguer la crise de confiance actuelle. Cette confiance est particulièrement cruciale dans le domaine de la durabilité, car les consommateurs y sont encore plus sensibles aux exagérations. »
L’une des conditions de tout cela, sans aucun doute, c’est l’authenticité. Une qualité que l’on peut sans risque attribuer à Nicolas Lambert lui-même. « Authentique et courageux, c’est avec ces deux mots que je peux le mieux décrire Nicolas », déclare Catherine Willemart au nom du comité de sélection. « Il faut du courage pour prendre une direction radicalement différente et l’explorer à fond. De plus, il est vite devenu l’un des pionniers du marketing durable. » Lui-même reste modeste à ce sujet, mais sa vision cohérente, combinée à ses engagements en tant que leader d’opinion, inspirateur et bâtisseur de ponts empathique, fait assurément de lui un leader marketing.
De plus, il ne se limite pas à de belles paroles et à une approche floue. Nicolas peut également présenter des résultats tangibles et percutants, ce qui n’est pas négligeable dans un dossier pour les Belgian Marketing Awards. Ainsi, la part de chocolat équitable en Belgique a connu un formidable bond, passant de moins de 1 % à plus de 20 % pendant son mandat au sein de l’ONG, en partie grâce à quelques techniques marketing intelligemment appliquées. « Si vous voulez changer le monde, vous devez réussir à faire bouger les choses. » Au jury de déterminer si cela mérite également un titre de Marketing Leader(ship) of the Year…